Date de la treve hivernale et fonctionnement
Principe de la trĂȘve hivernale
La trĂȘve hivernale interdit toute expulsion du locataire pendant une pĂ©riode dĂ©terminĂ©e, sauf si le relogement de ce dernier est assurĂ© dans des conditions permettant le respect de l'unitĂ© et des besoins de la famille. Aussi, en principe, en vertu de l'article L412-6 du Code des procĂ©dures civiles d'exĂ©cution, la trĂȘve hivernale est applicable du 1er novembre au 31 mars de l'annĂ©e suivante.
La trĂȘve hivernale constitue une vĂ©ritable "bulle de protection" pour les locataires fragilisĂ©s. Sa vocation premiĂšre est d'agir comme un rempart contre les expulsions pendant les pĂ©riodes de froid extrĂȘme, lĂ oĂč l'exclusion du logement pourrait mettre en pĂ©ril la santĂ©, la sĂ©curitĂ© et la dignitĂ© des personnes.
âș La finalitĂ© de cette trĂȘve est de protĂ©ger les occupants de logements, face au froid de l'hiver, susceptibles de se voir appliquer une procĂ©dure d'expulsion en cas d'impayĂ©s successifs. Pendant la trĂȘve hivernale, le propriĂ©taire bailleur ne pourra donc rĂ©cupĂ©rer son bien par le concours de la force publique, sauf dĂ©cision de justice contraire (voir les exceptions ci-dessous).
Exemple concret :
- Un locataire ne parvient plus Ă rĂ©gler son loyer depuis dĂ©cembre, la procĂ©dure d'expulsion est en cours, mais la trĂȘve hivernale l'empĂȘche d'ĂȘtre expulsĂ© jusqu'Ă la fin mars. Ce dĂ©lai accordĂ© doit lui permettre de trouver une solution amiable ou d'ĂȘtre accompagnĂ© par un service social.
- Une famille nombreuse avec enfants scolarisĂ©s, menacĂ©e d'expulsion Ă la mi-janvier, bĂ©nĂ©ficie du sursis liĂ© Ă la trĂȘve, Ă©vitant ainsi d'ĂȘtre privĂ©e de domicile en plein hiver.
"La trĂȘve hivernale est au locataire ce que l'abri est au voyageur pris dans la tempĂȘte : une parenthĂšse de rĂ©pit, le temps de reprendre souffle avant d'affronter Ă nouveau le cours des Ă©vĂ©nements."
Combien de temps dure la trĂȘve des expulsions ?
En temps normal, la trĂȘve hivernale dure une pĂ©riode qui s'Ă©tend sur 5 mois. La pĂ©riode dĂ©finie par l'article citĂ© ci-dessus est de cinq mois et dure donc plus longtemps que la saison hivernale. En effet, depuis 2013-2014 les sĂ©nateurs ont votĂ© un prolongement de la trĂȘve afin qu'elle se termine au 31 mars en raison des grands froids.
Ce calendrier a été établi en tenant compte de l'évolution climatique et sociale. Il n'est pas rare, en effet, que des vagues de froid se produisent dÚs le début de novembre ou persistent jusqu'à la fin mars, voire au-delà dans certains départements exposés.
Pour les propriĂ©taires, cela signifie que toute mesure d'expulsion, mĂȘme prononcĂ©e par le juge, ne peut pas ĂȘtre exĂ©cutĂ©e entre le 1er novembre et le 31 mars inclus, sauf exceptions. Toutefois, cette pĂ©riode ne concerne pas seulement les expulsions : plusieurs dĂ©marches peuvent ĂȘtre anticipĂ©es pendant la trĂȘve.
Exemples pratiques :
- Un juge ordonne l'expulsion d'un locataire le 15 novembre. L'huissier pourra délivrer le commandement de quitter les lieux, mais la police ne pourra participer à l'expulsion matérielle qu'à partir du 1er avril.
- Un propriĂ©taire peut, durant la trĂȘve, continuer la procĂ©dure en justice, faire appel ou prĂ©parer un dossier. Mais il devra patienter pour rĂ©cupĂ©rer effectivement son bien si l'occupant refuse de partir.
Cependant, à la fin de cette période, et si la situation problématique n'a pas été résolue, il y aura résiliation du bail et la procédure d'expulsion locative prendra directement effet et sera exécutée via un huissier de justice.
Les personnes non protĂ©gĂ©es par la trĂȘve hivernale
Il existe des exceptions, clairement mentionnĂ©es par le lĂ©gislateur, pour qui la trĂȘve hivernale ne pourra pas s'appliquer :
- Les personnes occupant un logement par «voie de fait», autrement dit, les squatteurs, personnes en situation de «squate».
- Les occupants d'un immeuble ayant fait l'objet d'un arrĂȘtĂ© de pĂ©ril, c'est Ă dire que l'immeuble en question prĂ©sente un danger imminent pour ses occupants.
- Les personnes occupants un logement étudiant alors qu'ils n'en ont plus le statut.
- Les personnes pour qui le relogement répondant à leurs besoins familiaux est assuré.
Ces exceptions tĂ©moignent de la volontĂ© du lĂ©gislateur de protĂ©ger l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et la sĂ©curitĂ© des personnes. Une expulsion reste possible si le maintien dans les lieux constitue un risque avĂ©rĂ©, ou si l'occupation elle-mĂȘme est irrĂ©guliĂšre.
Cas concrets :
- Un immeuble menaçant de s'effondrer fait l'objet d'un arrĂȘtĂ© de pĂ©ril par la mairie. Les occupants, mĂȘmes locataires, sont invitĂ©s Ă quitter les lieux sans dĂ©lai, y compris pendant la trĂȘve.
- Une chambre universitaire occupĂ©e par un ancien Ă©tudiant peut faire l'objet d'une expulsion en pleine pĂ©riode hivernale, le logement devant ĂȘtre attribuĂ© Ă un nouvel Ă©tudiant.
- Une famille est expulsĂ©e de son logement durant la trĂȘve, mais uniquement si une solution de relogement durable et adaptĂ©e Ă ses besoins est proposĂ©e et acceptĂ©e.
Ă noter : Chacune de ces exceptions doit ĂȘtre strictement justifiĂ©e, et l'intervention de la justice reste requise dans la plupart des cas.
Nouveauté 2013/14 reconduite en 2025/2026
Une nouveautĂ© importante a Ă©tĂ© initiĂ©e par l'ancienne ministre du Logement CĂ©cile Duflot et mise en place dans la loi ALUR. Cette nouvelle disposition, qui a vu le jour pour la premiĂšre fois durant la pĂ©riode 2013-2014, est celle de l'interdiction des coupures d'Ă©lectricitĂ© et de gaz en cas d'impayĂ©s pendant la pĂ©riode hivernale. âș Cette disposition est reconduite pour l'annĂ©e 2025/2026
En pratique :
- Aucun fournisseur d'Ă©nergie (Ă©lectricitĂ© ou gaz naturel) n'a le droit d'interrompre la fourniture Ă un foyer, mĂȘme en cas de factures impayĂ©es, du 1er novembre au 31 mars.
- Ă la place, un service minimum (puissance rĂ©duite) peut ĂȘtre maintenu pour garantir un chauffage d'appoint et l'Ă©clairage nĂ©cessaire Ă la vie quotidienne.
- Les dettes d'énergie restent cependant dues et des solutions d'échelonnement ou d'aides sociales existent pour soutenir les foyers en difficulté.
Quels sont les droits du propriĂ©taire pendant la trĂȘve hivernale ?
MalgrĂ© le souci de protĂ©ger le locataire, le propriĂ©taire n'est pas complĂštement lĂ©sĂ© en pĂ©riode de trĂȘve hivernale. Il peut gagner du temps et engager pendant cette pĂ©riode toute procĂ©dure concourant Ă l'expulsion du mauvais payeur Ă©tant donnĂ© que la procĂ©dure prendra des mois.
En d'autres termes, la trĂȘve hivernale agit comme un "gel" de l'exĂ©cution forcĂ©e, mais non des dĂ©marches prĂ©alables. Cela signifie que le propriĂ©taire peut, sans attendre avril, saisir le tribunal, mandater un huissier pour constater l'impayĂ©, adresser un commandement de payer ou engager une mĂ©diation locative.
- Le propriétaire peut contacter les institutions spécialisées (ADIL, associations d'accompagnement social) afin de trouver des issues amiables.
- Il peut constituer son dossier d'expulsion (preuves des impayés, échanges écrits, factures impayées, etc.) pour présenter sa demande devant le juge.
- En cas d'urgence absolue avĂ©rĂ©e (dangerositĂ© de l'occupant, menaces graves pour le voisinage), il peut Ă©galement saisir le juge pour solliciter une dĂ©rogation Ă la trĂȘve.
Par ailleurs, il peut bĂ©nĂ©ficier des exceptions Ă la trĂȘve hivernale qui sont des dispositions en faveur du propriĂ©taire. Si les occupants du logement sont dans ces cas d'exceptions, il pourra ainsi les sommer de libĂ©rer l'appartement ou la maison en pleine trĂȘve hivernale.
Pour le propriĂ©taire, la trĂȘve hivernale est comparable Ă l'attente sur le quai d'une gare enneigĂ©e : il peut prĂ©parer ses bagages pour le voyage Ă venir, mais le dĂ©part ne sera donnĂ© qu'au printemps.
Quels sont les droits du locataire pendant la trĂȘve hivernale ?
Le locataire est protĂ©gĂ© par la loi Alur du 24 mars 2014 qui stipule que tout locataire sommĂ© par l'huissier de justice de quitter son domicile entre le 1er novembre et le 31 mars ne pourra ĂȘtre expulsĂ©. Entre ces deux dates, un relĂąchement de 5 mois lui est ainsi accordĂ© en raison de la pĂ©riode de grand froid. C'est une chance donnĂ©e au locataire pour rĂ©gulariser sa situation avant la fin de la trĂȘve car au terme de cette pĂ©riode, le propriĂ©taire pourra mettre Ă exĂ©cution sa dĂ©cision de l'expulser.
La trĂȘve offre au locataire une fenĂȘtre d'opportunitĂ© pour redresser sa situation. En effet, il peut solliciter des aides au logement, demander un Ă©chĂ©ancier auprĂšs de son bailleur, ou encore bĂ©nĂ©ficier d'accompagnements par des organismes sociaux. Cette pĂ©riode doit lui permettre de se ressaisir financiĂšrement ou, Ă dĂ©faut, d'anticiper un relogement digne.
- Le locataire peut rester dans les lieux, mĂȘme en cas de procĂ©dure d'expulsion dĂ©jĂ engagĂ©e, tant que la trĂȘve n'est pas expirĂ©e.
- Il peut demander des aides d'urgence, telles que le Fonds de solidarité pour le logement (FSL), ou contacter un travailleur social de la commune.
- Il reste responsable du paiement du loyer pendant la trĂȘve, des charges et du respect des obligations prĂ©vues au contrat.
Depuis 2013, les dispositions de la trĂȘve hivernale ne concernent pas seulement l'expulsion mais aussi la suspension d'Ă©lectricitĂ© ou de gaz. Ainsi, durant cette pĂ©riode, le locataire bĂ©nĂ©ficiera d'un report de ses mensualitĂ©s impayĂ©es jusqu'Ă la fin de la trĂȘve hivernale.
Cas d'une sous-location pendant la trĂȘve hivernale
La sous location est régie en France par la loi du 6 juillet 1989 dans son article 8. Elle stipule que lorsque qu'un locataire souhaite mettre son bien en sous-location, il doit au préalable obtenir l'avis du propriétaire. Le locataire peut en effet louer tout ou une partie de son bien à une tierce personne en cas d'absence ou dans le cas d'un logement à plusieurs piÚces. Le propriétaire doit alors avoir mention des modalités de paiement soient le montant du loyer et la durée de la sous-location.
En d'autres termes, la sous-location sans accord Ă©crit du propriĂ©taire est illĂ©gale. Et ce, mĂȘme durant la trĂȘve hivernale.
- Si le sous-locataire dispose d'un contrat rĂ©gulier, il bĂ©nĂ©ficie des mĂȘmes droits que le locataire principal durant la trĂȘve.
- Dans le cas contraire, le sous-locataire ne peut pas invoquer la trĂȘve hivernale pour retarder son dĂ©part.
- Le propriétaire qui découvre une sous-location non déclarée peut demander l'annulation immédiate de la sous-location et l'expulsion du sous-locataire à tout moment.
Ceci dit en cas de non-respect des dispositions de la loi, la sous-location pourrait ĂȘtre interrompue.
Si le propriĂ©taire n'a pas connaissance de l'existence d'une sous-location dans ses locaux, les dispositions de la trĂȘve hivernale ne sauraient s'appliquer sachant que le sous-locataire n'est pas en rĂšgle aux yeux de la loi.
RĂ©sumĂ© : Qu'est ce que la trĂȘve hivernale ?
La trĂȘve hivernale est la pĂ©riode au cours de laquelle l'expulsion d'un locataire mauvais payeur n'est pas autorisĂ©e. Elle court en principe du 1er novembre de l'annĂ©e en cours au 31 mars de l'annĂ©e suivante. Au cours de cette pĂ©riode, les locataires insolvables qui ne sont pas en rĂšgle avec leurs propriĂ©taires ne peuvent pas ĂȘtre expulsĂ©s de leur habitat sauf cas exceptionnels, ni voir leur arrivĂ©e d'Ă©lectricitĂ© ou de gaz suspendue. Cette mesure vise Ă ce que les personnes vulnĂ©rables soient protĂ©gĂ©es par la loi pendant cette pĂ©riode de froid intense. Toutefois, le propriĂ©taire peut engager des dĂ©marches pour une expulsion future qui sera mise Ă exĂ©cution Ă la fin de la trĂȘve hivernale.
- La trĂȘve hivernale protĂšge contre l'expulsion et les coupures d'Ă©nergie pendant la pĂ©riode hivernale.
- Elle s'applique du 1er novembre au 31 mars, sauf exceptions définies par la loi.
- Le propriétaire peut engager des procédures mais ne peut pas obtenir l'expulsion effective durant cette période.
- Le dialogue et la recherche de solutions sont plus que jamais encouragĂ©s pour Ă©viter une issue dramatique Ă la sortie de la trĂȘve.
La trĂȘve hivernale incarne la solidaritĂ© nationale face Ă la prĂ©caritĂ© et aux alĂ©as de la vie. Elle se veut un temps d'apaisement, oĂč chaque partie - locataire comme propriĂ©taire - peut faire valoir ses droits tout en Ă©tant invitĂ©e Ă la responsabilitĂ©.
Pour aller plus loin : Conseils pratiques et ressources
La trĂȘve hivernale ne doit pas ĂȘtre perçue comme un "laisser-aller". Si vous ĂȘtes locataire en difficultĂ© :
- Saisissez les services sociaux de votre mairie ou d'un centre d'action sociale (CCAS),
- Prenez contact avec les associations de défense des locataires,
- Informez votre propriétaire de vos difficultés et proposez un plan d'apurement de la dette,
- Ne laissez pas les dettes s'accumuler : la pĂ©riode de trĂȘve permet d'Ă©taler, pas d'annuler la dette.
Pour les propriĂ©taires, soyez vigilant pendant la trĂȘve hivernale :
- Ne tentez jamais une expulsion "sauvage", c'est illégal et sévÚrement puni par la loi,
- Engagez le dialogue avec votre locataire pour trouver une solution,
- Pensez Ă constituer un dossier solide en vue de la reprise de la procĂ©dure aprĂšs la trĂȘve.
En cas de doute ou de conflit, n'hésitez pas à solliciter une assistance juridique.